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Extraits et notes tirées de
OPEN MIND, OPEN HEART
(The contemplative dimension of the gospel)
Thomas Keating
Element Books, Shaftesbury, Dorset 91
Introduction
Tant de gens cherchent à expérimenter la prière contemplative. Mais, à moins qu’un
ministère chrétien de spiritualité ne soit offert, c’est vers l’Orient qu’ils iront chercher
des expériences spirituelles qu’ils ne trouvent pas dans leurs églises.
La
prière centrée est une manière moderne de présenter la tradition chrétienne de la
prière contemplative.
C’est aussi une méthode pour s’ouvrir au don de la contemplation.
Chapitre 1: Ce que la
prière centrée n’est pas.
La
prière centrée ou prière contemplative n’est pas
-un exercice ou une technique de relaxation, mais une prière, une relation,
-un don charismatique (même si le parler en langues ou le repos dans l’Esprit
peuvent y conduire; car
elle implique une sanctification, une croissance dans la foi)
-un phénomène parapsychologique (du genre précognition, connaissance à
distance, maîtrise du souffle ou des battements de coeur, lévitation ou quitter son corps)
-un phénomène mystique (extase corporelle, visions internes ou externes, qui
n’ont rien à voir avec la sainteté).
Il ne faut pas confondre la
prière contemplative avec l’expérience de cette prière ou avec
une effusion sensible de l’Esprit. C’est un chemin à
pratiquer, et non d’abord à sentir.
C’est ainsi qu’il peut porter des fruits.
Chapitre 2: Dimensions de la prière contemplative.
Toute vraie prière est basée sur la conviction de la présence du Saint-Esprit en nous. En
ce sens, toute prière est
prière dans l’Esprit. Mais il serait plus judicieux de réserver ce
terme de
prière dans l’Esprit à cette sorte de prière dans laquelle l’inspiration de
l’Esprit est donnée directement à notre esprit, sans l’intermédiaire de notre propre
réflexion, action ou volonté. En d’autres mots, l’Esprit prie en nous, et nous y
consentons. Le terme traditionnel pour cette sorte de prière est la
contemplation.
La racine de la prière est le silence intérieur. La prière de contemplation, selon Evagre
consiste à
mettre de côté les pensées qui nous traversent. Non pas supprimer toutes
pensées, mais
se détacher d’elles; non pas nier ou réprimer ce qui est dans notre
conscient, mais accepter tout ce qui est là et aller au delà non pas par l’effort, mais en
lâchant prise sur tout ce qui est là. C’est ouvrir nos coeurs, notre intelligence, notre
corps, nos émotions à Dieu au delà du contenu psychologique du moment.
Cela demande un renoncement à soi-même, un renoncement au fonctionnement
habituel de notre volonté et de notre intellect. Il s’agit de lâcher prise sur nos pensées
ordinaires dans la prière, sur nos réflexions et aspirations, même spirituelles.
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La prière contemplative libère des énergies de l’inconscient. Elle conduit au
développement personnel
par le moyen de la consolation spirituelle, de don
charismatique ou de forces psychiques. Elle conduit aussi à découvrir la
faiblesse
humaine
, par une connaissance de soi qui rend humble. (La connaissance de soi est le
terme traditionnel pour la prise de conscience du côté ombreux de notre personne).
Pour vivre cette démarche il est donc capital d’être enraciné dans une vie de
consécration à Dieu
et d’engagement au service des autres. Sinon on pourrait tomber
dans des formes d’exaltation de soi (orgueil) ou de dévaluation de soi (découragement).
Ces deux enracinements permettent de canaliser les énergies issues de l’inconscient sans
risque qu’elles submergent le psychisme. Par la prière de contemplation, l’Esprit guérit
les sources de l’égocentrisme et devient la source de notre activité.
[La Transfiguration donne une image des différentes approches de Dieu:
1° Approche de Dieu
par nos sens (vision qui conduit à la joie)
2° Approche de Dieu
dans la nuée (=la nuit des sens)
nos sens sont vides et calmes, mais attentifs et alertes.
3° Approche de Dieu
par la voix du ciel qui rend conscient de la voix de l’Esprit en nous
4° Ils voient Jésus
comme avant, mais avec une conscience transformée de la foi.]
Chapitre 3 L’histoire de la contemplation (voir annexe)
Chapitre 4: Les premiers pas dans la
prière centrée
La
prière centrée est une discipline pour réduire les obstacles à la prière contemplative.
C’est aussi une prière, et pas seulement une méthode.
Il faudrait la vivre deux fois par jour pour garder le bénéfice du calme intérieur.
Dans cette prière, il s’agit de retirer son attention du flot ordinaire de nos pensées auquel
on s’identifie d’habitude. On est tellement occupé par les objets mentaux qui nous
traversent (nos émotions, images, souvenirs, plans, bruits extérieurs, même nos
sentiments de paix et nos pensées spirituelles) qu’on est inconscient du courant intérieur
qui les porte et d’où ils émergent. Ce courant de conscience correspond au niveau
spirituel de notre être, sa partie profonde, notre participation à l’être de Dieu, le niveau
de notre être qui nous fait le plus humains.
C’est pourquoi il faut un
laisser aller, un lâcher prise sur ces “objets” mentaux, pour
entrer en contact avec ce courant; nous dirigeons notre attention vers lui.
Pour cela, il faut:
1° Prendre une
position physique confortable pour ne pas être dérangé par les
tensions, pressions ou douleurs dans son corps.
2° Choisir un
mot sacré (signifiant l’ouverture et l’abandon à Dieu) et le placer dans
notre conscience chaque fois qu’une autre pensée s’infiltre. Ce n’est pas un moyen pour
supprimer toute pensée, ni pour créer la présence de Dieu (!) Mais c’est une manière de
dire: “Me voici Seigneur. A toi de faire le pas suivant”. C’est se mettre à disposition de
Dieu. C’est Lui qui en déterminera la conséquence. Ce mot est une manière de réduire le
nombre de nos pensées ordinaires. Il s’agit de consentir à Dieu et ça, c’est une activité !
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3° Demeurer ainsi durant environ
20 minutes, selon son besoin et son choix. A la fin
prendre deux minutes pour ouvrir les yeux; c’est alors un bon moment pour prier ou
planifier la journée.
Il se peut que la conséquence en soit un accroissement de la conscience de la présence de
Dieu durant les activités ordinaires de la journée.
4° La disposition fondamentale, c’est
l’ouverture à Dieu et la patience (Lam 3.26).
Il ne s’agit pas d’explorer des méthodes qui aident à calmer le corps, l’esprit ou le
système nerveux, tel que le yoga ou le jogging; le but n’est pas la relaxation, mais la
relation de foi.
Questions et réponses
1.
Pas de vide mental, mais une légère activité spirituelle autour du mot sacré, ou
dans la conscience de notre présence à Dieu.
2. Ne pas juger de l’expérience d’après l’expérience psychique, mais d’après
les fruits
dans la vie ordinaire
, après un ou deux mois (p.ex.un nouveau set de valeurs se met
en place; croissance de la patience,...).
3. Plus la prière centrée a été profonde, plus le
temps paraît court; car on a été absorbé
dans la présence de Dieu; et la conscience du temps diminue.
4. L’
alternance entre la tranquillité et le combat avec les pensées fait partie du
processus.
5.
Dormir ? Ça peut arriver, et être le signe d’un besoin !
Au réveil, poursuivre la prière centrée pendant un moment. Il se peut que notre
conscience soit restée alerte pendant le sommeil. Il est facile de s’endormir, à moins de
faire ce qui est proposé: rester vigilant, alerte. Et ça, c’est une activité !
6. Ce n’est
pas un exercice d’attention; mais d’intention d’aller vers notre centre
où demeure Dieu, une ouverture à Lui par la foi (et au delà du moyen des concepts et des
émotions).
7.
Renoncer à toute attente, à tout essai d’obtenir quelque chose, d’arriver à quelque
chose (ce qui serait encore une préoccupation, une pensée !).
8. Laisser passer aussi les
émotions, sans s’y attarder.
- Idem pour les
bruits extérieurs.
Chapitre 5: Le
mot sacré, comme symbole
Il est sacré à cause de son intention (d’ouverture à Dieu) plutôt qu’à cause de son sens.
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Exemples:
Ô Dieu, Jésus, Esprit, Abba, amen, paix, silence, ouvert, gloire, amour,
présence, confiance, ardent
,... Certains préfèrent utiliser une image visuelle, plutôt
qu’un mot.
Le
mot sacré vous rend capable de plonger dans votre source; il n’est pas un véhicule ou
un moyen pour descendre en profondeur, mais plutôt une condition pour y aller.
Il est une manière de laisser aller toutes pensées, de réduire le nombre de nos pensées, et
de les dissoudre dans la seule pensée d’ouverture à Dieu.
Il est une manière de se rendre conscient de la réalité dans laquelle nous sommes
immergés, en Dieu.
Le but de la prière centrée, c’est de faciliter la transformation intérieure:
Nos préoccupations ordinaires impliquent un système de valeur inconscient: certaines
pensées nous attirent, car notre attachement à elles surgit de notre programmation
émotionnelle de l’enfance. En exerçant un lâcher prise de toute pensée et de tout système
de pensée, nous développons une liberté par rapport à nos attachements et nos
compulsions habituels. C’est un chemin de guérison de nos blessures. Le silence
intérieur est le terrain le mieux préparé pour que la semence de l’amour de Dieu puisse y
prendre racine.
Suivre notre respiration est une manière de tranquilliser notre esprit. Dans la prière
centrée, le but n’est toutefois pas d’abord de laisser aller les pensées, mais d’entrer en
contact avec le fond de notre être, de nous abandonner à Dieu.
Toute technique physique ou psychique pour calmer notre esprit doit être placée dans un
contexte de prière (c-à-d en vue d’une relation personnelle avec Dieu).
Questions - réponses
1. Le
mot sacré comme processus d’intériorisation:
Le mot sur les lèvres est extérieur,
la pensée du mot dans notre imagination est intérieure,
le mot comme impulsion de la volonté est encore plus intérieur,
passer au delà du mot vers une pure attention est le plus intérieur.
2. Le
désir de Dieu vient de Dieu; il ne vient pas de notre initiative. Il s’agit donc de
s’ouvrir à une action qui se passe déjà en nous, de consentir à la présence de Dieu. Or:
consentir à la présence de Dieu
, c’est sa présence ! Le but de cette prière, c’est
d’entrer en contact avec l’activité que Dieu initie constamment au plus profond de nous.
3. Que faire avec l’
envahissement des pensées ? Ne pas le craindre, ni les craindre.
C’est normal. Les accueillir, puis les laisser passer. Celui qui lutte pour n’avoir aucune
pensée se prépare de grandes déceptions !
Mais si on vient d’avoir une dispute ou une mauvaise nouvelle, il faut calmer d’abord le
tumulte émotionnel (p.ex. par une promenade ou une lecture biblique). Raison pour
laquelle il vaut mieux pratiquer la prière centrée en début de journée !
4. La
méthode mantrique des Hindu qui répètent le mantra continuellement est
différente. Dans la prière centrée, il s’agit de retourner au
mot sacré seulement lorsque
vous remarquez que vous pensez d’autres pensées. Et le but n’est pas la concentration
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comme dans les mantras, mais la réception, une attitude réceptive; une expression de
notre intention plus qu’une attention.
Mais tant que nous percevons la présence aimante de Dieu au delà de toute pensée, pas
besoin de retourner au
mot sacré.
[On ne peut connaître Dieu dans cette vie directement, sauf par la foi, qui est au delà de
toutes nos facultés dans la “nuit de nos sens”; non pas dans la suppression de nos
facultés, mais au delà].
Chapitre 6: Les pensées ordinaires
a)
Le flot continuel de notre imagination et de nos pensées
Il est irréaliste de chercher à n’avoir aucune pensée.
Développer le silence intérieur
signifie en fait atteindre
un certain degré de silence, un stade où l’on n’est plus attaché
aux pensées qui vont et viennent (cp. le bruit de fond de la circulation, lors d’une
conversation). Elles font partie de la réalité de notre monde intérieur. Si nous les
acceptons pleinement, elles perdront de leur poids. Il s’agit d’acquérir la capacité
d’être conscient de deux niveaux d’attention simultanément
de construire un mur autour de notre silence intérieur pendant la prière
d’expérimenter le silence intérieur au niveau profond, même quand le bruit
continue autour de nous. Pour cela, il faut:
“
entrer dans sa chambre et fermer la porte” (=éloigner tous les bruits prévisibles,
téléphone); puis apprendre à intégrer les bruits extérieurs neutres (avions,...) dans
notre silence intérieur; puis apprendre à intégrer les bruits extérieurs qui sollicitent
notre intellect et notre imagination (conversations voisines); ce qui est plus difficile.
La meilleure réaction au va-et-vient de nos pensées et de notre imagination est de les
ignorer, non dans le refus, mais dans l’acceptation (accepter la réalité telle qu’elle est
maintenant).
Durant la prière centrée, on entre et sort régulièrement du silence intérieur: dès qu’on y
entre, une pensée nous traverse et nous en fait ressortir. Il faut une grande patience pour
accepter cette pensée, plutôt que de s’attrister parce qu’elle nous empêche d’entrer dans
le silence. Recommençons ! Ce constant recommencement dans la patience, le calme et
l’acceptation nous exerce à accepter l’intégralité de la vie. Il faut d’abord accepter la
réalité avant de décider ce qu’on en fait (mais nous voudrions toujours commencer par
changer la réalité).
b) Si une pensée suscite en nous la curiosité ou une émotion, alors retournons au
mot
sacré
. Ainsi, nous réaffirmons notre intention originelle de nous ouvrir à Dieu et de nous
abandonner à Lui. Notre conscience est comme un fleuve sur lequel nos pensées et
expériences dérivent comme des bateaux ou des débris. La rivière est comme notre
participation à l’être de Dieu.
Retourner au
mot sacré, laisser passer les bateaux, c’est retourner à notre intention
originelle: nous rendre attentif à Dieu, converser avec Lui. Et notre activité consiste en
un patient retour à cette intention originelle (par le retour au
mot sacré, par le laisser
aller des pensées- bateaux, dans l’acceptation et non dans l’exaspération ou le
désespoir).
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Questions - réponses
1° En luttant contre ses pensées, on en fait surgir d’autres ! Il faut les
laisser aller,
plutôt que de faire un effort (try hard). On ne peut pas prier ainsi (prière centrée) par le
pouvoir de la volonté; c’est contreproductif. N’opposez pas la violence à la violence !
Cette prière est totalement non-violente!
[Le signe d’un effort, c’est une tension dans le front ou la nuque. Si vous acceptez
de poursuivre un temps la
pensée de cette tension, il se peut qu’elle s’en aille (vous
acceptez le fait d’avoir mal). Le mal a le pouvoir de dissoudre toute autre pensée; il a le
même effet que le
mot sacré. Si le mal subsiste, alors retournez au mot sacré.]
2° En général, ne
pas prier de cette façon plus de 20 à 30 minutes. Et si on veut
prolonger, il vaut mieux interrompre par une marche méditative de 5 à 10 minutes dans
la pièce. Mais la longueur n’est pas signe de valeur de la prière. En fait la prière
centrée est un processus d’attente, une préparation pour des moments d’union divine
qui peuvent être plus enrichissants que de longs temps de prière contemplative exempts
de tels moments d’absorption en Dieu.
Pourquoi limiter à 30 minutes ? C’est le temps normal pour une attention
prolongée; c’est aussi un temps suffisant pour établir le sens d’un silence intérieur. Le
mieux, c’est de le faire
au même moment chaque jour, et
pour la même durée chaque jour, et
deux fois par jour. C’est ainsi qu’il y a le plus de chance que votre réservoir
de silence intérieur influence le jour entier, que vous restiez en contact avec votre
réservoir.
Le but de cette prière n’est pas d’avoir “plus de prière” ou”plus de silence”, mais
c’est d’intégrer la prière et le silence dans l’activité. C’est pourquoi on la limite dans le
temps.
Plus on est pris dans des activités, plus on a besoin de ces temps de prière. Car
l’activité excessive exerce une mystérieuse fascination: il devient difficile de
l’interrompre pour la prière. Il faut être convaincu que la prière est plus importante que
toute autre activité (excepté un appel urgent à la compassion).
Alors, les choses à faire se font plus vite, et les plus importantes en premier. La
prière contemplative est une préparation à l’action qui jaillit de l’inspiration de l’Esprit
quand on calme notre agitation et nos désirs.
3°
Conscience du temps et du corps: Si “le temps a passé vite”, c’est le signe que
vous avez été profondément absorbé dans la prière (peut-être plus que vous ne le
pensiez). Quand il n’y a pas d’objets à penser, on est pleinement conscient, mais pas du
temps. Car le temps est une projection de soi. Quand il n’y a pas de pensée, vous êtes
libre du temps et du corps. Ça nous donne une intuition de l’éternité, et de la mort.
4° Cette prière nous ouvre-t-elle à des forces
démoniaques ?
Ce qui se passe en nous dans le silence intérieur profond, seul Dieu le sait. Et
selon Saint Jean de la Croix, il n’y a pas de lieu où l’on est plus en sécurité que lorsqu’on
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est absorbé dans la présence de Dieu, au delà des pensées et sentiments, car là aucun
démon ne peut venir nous toucher.
D’ailleurs, une des façons de réagir à la
tentation, c’est de retrouver la même
attitude que durant la prière centrée. Et la tentation peut être traitée comme toute autre
pensée qui surgit sur le fleuve de notre conscience: Laissez-la passer ! Cette résistance-là
est suffisante. Mais si vous ne le pouvez pas, alors il faut d’autre formes de résistances.
Cette prière vise à éveiller l’attention (awareness), une attention spirituelle. Il se
peut alors que des conflits viennent en surface, qui normalement sont camouflés par le
flot ordinaire de pensée. Ceux-là aussi on peut les laisser aller, quitte à y revenir après la
prière.
5° La prière contemplative induit une
attitude nouvelle par rapport à nos
émotions
; elle les place dans un contexte de référence différent. La plupart de nos
émotions extrêmes proviennent de l’insécurité, quand on est menacé. Mais lorsqu’on est
constamment réaffirmé en soi par la présence de Dieu dans le silence profond, on a
moins peur d’être contredit; on devient assez humble pour tirer quelque chose d’une
insulte, sans être envahi par des sentiments de vengeance ou de dépréciation de soi.
Le silence intérieur est une des expériences humaines la plus affirmante et
fortifiante; rien de plus affirmant que l’expérience de la présence de Dieu (Tu es mon
enfant bien-aimé). Il guérit les sentiments négatifs qu’on a sur soi-même.
6°
Réfléchir à l’expérience ? Oui, mais après, et non pendant! Pendant la prière il faut
suspendre le jugement. Réfléchir après peut aider. Car il s’agit d’intégrer votre prière
dans le reste de votre vie de foi; et cela requiert quelque conceptualisation.
Mais pas besoin d’analyser votre prière pour en retirer son bénéfice.
7° Danger de
passivité ? Oui si on pratique plus de 6 heures par jour ! Sinon, il y a
croissance d’énergie dans l’activité !
8°
Considérations pratiques:
Ne pas pratiquer la prière contemplative pendant la digestion (1h1/2) (car il peut
y avoir réduction du métabolisme); ni juste avant de se coucher (risque de trop plein
d’énergie qui empêche de dormir).
Cette pratique va de pair avec une vie de simplicité (non extrême).
9° Laisser venir et laisser aller les pensées, sans ennuis, ni attentes, c’est une forme
de
renoncement à soi-même, bien plus valable que toute austérité corporelle (jeûne
ou autre). C’est la vraie dévotion, qui conduit au changement du coeur.
Ainsi, la prière contemplative est un apprentissage du
lâcher prise. Il s’en suit
que certains événements de la vie sont gérés plus facilement, car on a appris à les laisser
venir et aller.
10°
Divers:
Les drogues ou des
méditations orientales peuvent dégager un matériau de
l’inconscient avant qu’on ne soit capable de le gérer. Ici, dans la prière centrée, on
développe une discipline intégrée qui ne rend pas dépendant.
8
- “Ai-je eu un
bon ou un mauvais temps de prière” ? Il faut abandonner ces
catégories !
- Il est commun d’être un peu
angoissé à l’idée de s’abandonner ainsi... à
l’inconnu.
- Il ne s’agit pas de concurrencer les
autres formes de prière par celle-ci.
Gardez-les !
- Par cette prière, nous faisons ce que Marie a fait. Par ce que nous sommes et
devenons, nous “permettons” au Christ de vivre en ce monde; la présence de Dieu
émerge de notre for intérieur dans nos facultés, et la vie divine se déverse dans le monde
au travers de toute nos activités.
Chapitre 7: La naissance d’une attention spirituelle
(attentiveness)
L’acte majeur de la volonté n’est pas l’effort, mais le
consentement. Le secret pour
traverser les difficultés qui surgissent dans la prière contemplative, c’est de les accepter.
Au départ, il y a quelque effort à faire pour
se retirer des habitudes égocentriques de la
volonté; puis il s’agit de plus en plus à consentir à la venue de Dieu, au courant de grâce:
on retourne au mot sacré, on le place doucement dans notre conscience, on continue à
consentir à la présence de Dieu (pas besoin d’aller le déloger au ciel !)
Le mot sacré est le symbole de notre consentement à la présence de Dieu
. Il est possible
que la volonté y consente d’elle-même, sans avoir besoin du symbole. Le travail de la
volonté dans la prière est un vrai travail, un travail de réception, de réceptivité.
Par la prière centrée, on peut s’ouvrir à Dieu, s’abandonner à Lui. Mais la transformation
est l’oeuvre de Dieu; on ne peut rien faire pour qu’elle se passe. On ne peut qu’empêcher
qu’elle arrive!
Cette
réceptivité est une vraie activité, mais pas un effort; c’est une attitude d’attente du
Mystère ultime. On ne peut pas le connaître au travers de nos facultés humaines; c’est
donc inutile de chercher à atteindre quoique ce soit. On ne peut savoir ce qu’on attend.
Ainsi, la prière est un voyage dans l’inconnu, un appel à suivre Jésus hors de toutes
structures et même de toutes pratiques spirituelles connues (dans la mesure où elles
sont partie prenante de notre système du faux moi). (cf. Mt 10.39; 16.24: quitter son faux
moi, se renier, prendre sa croix et suivre Jésus).
Pour les chrétiens, la voie vers l’union divine passe par l’union au Christ (qui va à la
croix). La pratique chrétienne vise à démanteler le faux moi. Si nous y consentons, Dieu
s’occupe de l’ôter et de le remplacer par ses propres vertus.
Dans le développement humain, il y a des passages de crise (adolescence,...). De même
dans le développement spirituel, chaque fois qu’on est appelé à un stade de conscience
plus élevé. Quand la crise commence, on peut résister au chemin de croissance au risque
de régresser et de fortifier le faux moi; ou bien on peut progresser.
[La syrophénicienne (Mt 15.26s) est un exemple de quelqu’un qui traverse la “nuit des
sens” (St Jn de la Croix), une crise pour accéder à un nouveau stade, pour passer de la
dépendance des sens et de la raison à la docilité à l’Esprit: Elle fait une première
demande et crie; mais Jésus commence par ne pas répondre. Puis
elle fait une deuxième demande et se prosterne: mais Jésus refuse d’y
accéder. Puis
9
elle fait une troisième demande. Jésus est suffoqué ! En ne
répondant pas à notre prière (refus, silence ou même rejet apparent), Jésus répond à
notre plus grande prière qui est d’être transformé].
Questions - réponses.
Q1
Parfois, il n’y a pas de pensées; seulement une conscience de moi. Je ne sais
pas s’il faut laisser aller ou être conscient de cela ?
R1
Si vous êtes conscient d’être sans pensée, c’est une pensée ! Si vous pouvez perdre
“votre conscience (awareness) d’être conscient de n’avoir aucune pensée”, alors vous
entrez dans la pure conscience (consciousness). Et quand vos facultés ordinaires
reviennent, il peut y avoir un sentiment délicieux de paix, qui est le signe que vous ne
vous êtes pas endormis.
Tant que vous vous sentez unis à Dieu ce n’est pas une pleine union. Le moment de
pleine union n’a pas de pensée, ni d’émotion. Vous n’en savez rien, jusqu’à ce que vous
émergiez hors de lui.
La prière centrée est un exercice de lâcher prise. Et c’est tout!
Avec la pratique, on s’habitue à un certain degré de silence intérieur; le sentiment
délicieux de paix que vous avez éprouvé dans les premiers temps de la prière de
contemplation est devenu un état normal. Vous pouvez être habitué et ne plus
remarquer les grands dons que vous recevez. Mais ça ne veut pas dire que vous ne
recevez plus la prière de silence et tranquillité dans laquelle votre volonté est en union
avec Dieu.
Il vaut mieux ne pas vouloir copier l’expérience d’un autre, ni même la sienne propre, ni
avoir une attente particulière; car c’est une forme d’attache, même un désir de contrôle.
Et tout ce que vous avez expérimenté (même si c’est une vision du Christ assis à la droite
du Père), oubliez-le ! Retournez au mot sacré; vous n’avez rien à perdre. Vous avez déjà
reçu le plein bénéfice du don, même si vous n’y réfléchissez jamais plus. Laissez aller les
dons spirituels; c’est le meilleur moyen de les recevoir.
Q2
Quels sont les liens entre le mouvement charismatique et l’approche
contemplative
?
R2
Le don des langues est une forme rudimentaire de prière non conceptuelle...Après
avoir loué Dieu prié ensemble, parlé en langues, prophétisé pendant quelques années,
comment poursuivre? C’est alors le temps d’introduire des périodes de silence dans le
groupe, car les membres ne sont pas bien préparés à une expression plus contemplative
de la prière.
Le mouvement charismatique a de grands potentiels; mais pour accomplir ses
promesses, il doit s’ouvrir à la tradition chrétienne contemplative.
(Certains sont opposés à la prière contemplative, parce qu’ils croient que si vous ne
pensez pas, le diable va commencer à penser pour vous. Mais en fait, si vous priez dans
le silence intérieur, le diable ne va pas vous approcher).
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Chapitre 8: Les pensées plus subtiles
1°
Au chapitre 6, on a vu comment traiter les pensées ordinaires, qui sont comme
des bateaux flottant sur le courant de la conscience, et qu’on laisse passer en retournant
au mot sacré. On développe ainsi une attention simultanément à deux niveaux: on est
conscient des pensées superficielles qui passent, et aussi d’une présence indifférenciée
qui nous attire mystérieusement. C’est cette attention profonde qu’on développe.
2°
Un deuxième type de pensées peut être comparé à des bateaux clinquants qui
réclament toute notre attention et nous donnent envie d’y monter à bord; alors on
s’identifie en quelque sorte à la pensée. Retourner au mot sacré, c’est réaffirmer notre
intention originelle d’ouverture à la présence divine. Leur résister serait avoir une
pensée nouvelle, qui aurait en plus une charge émotionnelle ! Certaines pensées ont
l’aspect brillant de
belles intuitions psychologiques ou spirituelles sur notre
parcours de vie (qui après coup peuvent paraître ridicules). Ou encore, elles se
présentent sous forme d’un appel urgent à l’intercession. Ce n’est simplement pas le
moment. Certains pasteurs ont le problème supplémentaire de pensées qui ont l’air
d’être une inspiration incroyable sur une question théologique.
La seule manière de goûter au silence intérieur, c’est d’ignorer toute pensée, même celles
qui nous semblent venir de Dieu! Ici il s’agit d’écouter Dieu parler à notre esprit, à notre
être intime,et non pas à nos oreilles, à nos émotions ou à notre tête. Alors une sorte
d’onction nous est faite, dont les fruits n’apparaîtront que plus tard et indirectement:
calme, paix, disposition à s’abandonner à Dieu dans tout ce qui arrive. Voilà pourquoi le
silence intérieur est plus grand que toute intuition ou perception. Plus le silence
intérieur est grand, plus profondément Dieu travaille en vous, sans que vous le sachiez.
La communication avec Dieu se fait dans la pure foi: Dieu est incompréhensible à nos
facultés; on ne peut pas le connaître avec notre intelligence, mais seulement avec notre
amour. C’est ce que les mystiques appellent le
non savoir: C’est en ne le connaissant pas
à la manière dont nous le connaissons maintenant, que nous le connaissons (cp. II Co
5.16).
Il y a une immédiateté de la conscience dans la prière contemplative. Celle-ci est un
chemin pour retrouver la simplicité de l’enfant. Il jouit de l’immédiateté de son
expérience, quand il joue. Lorsqu’on grandit, il devient important de développer notre
jugement analytique, mais on ne devrait pas perdre la jouissance de la réalité telle qu’elle
est, ni la valeur qui consiste juste à
être, ou seulement à faire. L’enfant qui joue est en
contact direct avec la réalité; il est détaché de toute autre chose.
Toute réflexion est comme une photographie de la réalité, ce n’est pas l’expérience
originale. Au moment où on expérimente la présence de Dieu, on ne peut simplement
pas réfléchir à celle-ci, mais seulement demeurer en elle. Il faut ignorer nos expériences
psychologiques et les laisser simplement exister. Si vous êtes en paix, c’est bien; mais ne
réfléchissez pas à cela sur le moment; soyez simplement en paix et jouissez-en.
La raison, la mémoire ou l’imagination n’aident en rien à l’immédiateté de l’union
divine.
3°
Une troisième sorte de pensée concerne nos motivations. Dans la prière
contemplative nous visons la pureté des motivations, à nous dégager de l’influence du
11
faux-moi. Mais le faux moi est très subtile. Sans l’aide spéciale de Dieu, nous
n’arriverions jamais à lui échapper.
Ce qui renforce le faux moi, c’est notre
instinct à posséder quelque chose, y compris nos
propres pensées et sentiments. Il s’agit de renoncer même à notre envie de reproduire
telle expérience, renoncer à notre attitude qui s’accroche à la profonde paix reçue. Nous
pouvons avoir toute la consolation divine que nous voulons, si nous ne cherchons pas à
la posséder. On doit permettre à “tout ce que nous expérimentons de Dieu” de s’en aller,
comme toute autre pensée.
Le mot sacré n’est pas un mantra qu’on chercherait à répéter jusqu’à ce qu’on pénètre
dans notre inconscient. Il est plutôt une condition, une atmosphère qu’on met en place
pour nous permettre de nous abandonner à la force attractive de la présence divine en
nous. La consolation spirituelle est le rayonnement de cette Présence; ce n’est pas cette
Présence elle-même. Dans cette vie-ci, nous ne pouvons pas connaître Dieu directement,
et vivre. Le chemin le plus proche pour le connaître dans cette vie, c’est la foi pure, qui
est au delà de toute pensée, émotion, réflexion sur soi. La foi pure est expérimentée le
mieux lorsqu’il n’y a pas d’expérience psychique de Dieu. C’est au delà de tout ce qu’on
peut imaginer: on regarde autour de soi et on réalise que la présence divine est partout.
Elle
est simplement. Nous sommes conscients d’elle sans pouvoir dire ce qu’elle est.
4°
Une quatrième sorte de pensée vient lorsqu’on est dans une profonde paix, vide
de toutes pensées et images, pénétré d’une mystérieuse plénitude; alors surgit
subrepticement la pensée: “Enfin m’y voici; cette paix est merveilleuse.
Si seulement je
pouvais me souvenir
du chemin pour y parvenir, ainsi je le parcourrais à nouveau
demain !”
Et voilà, vous êtes sortis de cette paix !
Questions - réponses.
La méthode ne consiste pas en
comment s’asseoir ou en longueur de temps, mais en
comment faire avec les pensées qui surgissent
. C’est le point essentiel de toutes les
grandes disciplines que les religions ont développées:
Lâcher prise sur les pensées. Le
but consiste à intégrer les différents niveaux de son être puis à abandonner cet être
intégré à Dieu.
Q1
Etes-vous conscient de Dieu durant cette prière contemplative ou seulement
après
? Peut-on être conscient de quelque chose, sans avoir des pensées sur celle-ci ?
R1
La pure conscience (awareness) est l’immédiateté de l’expérience. On peut être tant
absorbé dans une expérience qu’on n’y réfléchit pas. Bien sûr qu’on a du plaisir; mais pas
besoin d’y réfléchir pour cela. Si vous le faites, vous réduisez l’expérience à quelque
chose que vous pouvez comprendre; mais Dieu est quelque chose que vous ne pouvez
pas comprendre.
La meilleure manière de recevoir le bonheur, c’est d’y renoncer, de lâcher prise sur celui
qu’on a reçu. Si vous redonnez tout à Dieu, vous serez toujours vide, avec un espace
disponible pour lui.
En général, l’expérience de Dieu advient comme quelque chose que vous avez
l’impression d’avoir déjà expérimenté auparavant. Dieu “convient” si bien à nous
(suited), que toute expérience de Lui est perçue comme un achèvement ou un bien-être.
12
Ce qui semblait nous manquer est restauré mystérieusement. Mais l’envie de s’accrocher
à cette expérience est le plus grand obstacle à notre union avec Dieu. Nous devons laisser
partir, même le sentiment de la présence de Dieu.
Cette prière est donc un exercice de lâcher prise sur tout. En la pratiquant régulièrement,
nous
apprendrons aussi à lâcher prise sur des choses et événements qui surviennent en
dehors du temps de prière.
Q2
Qu’en est-il de l’irruption soudaine de pensées au milieu d’un temps de
silence ?
R2
C’est normal. Le va et vient entre la paix et les turbulences des pensées fait partie
du processus. Mais rappelez-vous que la prière contemplative n’est qu’une forme de
prière parmi d’autres; comme celle de deux amis qui développent une telle communion
qu’ils peuvent et aiment rester assis l’un à côté de l’autre en silence. Mais il y a toutes les
autres formes de prière (avec nos lèvres, nos corps, notre imagination, nos émotions
notre intuition).
Q3
Y a-t-il utilité à prolonger le temps de la prière contemplative ?
R3
Le faire plus de deux fois par jour peut accélérer le processus de connaissance de
soi, le processus de libération de tout ce qui nous empêche d’être tout à fait honnête avec
soi-même. Plus vous avez confiance en Dieu, plus vous pouvez faire face la vérité sur
vous-mêmes.
Q4
Et quand vous devenez conscient de ce que vous ne pensez plus ?....
R4
Si vous ne pensez plus, il n’y a même pas la pensée que vous ne pensez plus. Il y a
juste une pure conscience; et ça c’est le but de la prière contemplative. Le but, c’est bien
sûr d’intégrer tout votre être (passif/ actif, masculin/ féminin, expressif/ réceptif,...);
être conscient du fait de ne pas penser, sans penser cette pensée. Dès que vous réalisez
que vous sortez du silence intérieur, retournez avec douceur à la Présence. Au delà de la
réflexion sur soi permettez-vous l’oubli de soi. On croit souvent instinctivement que
lorsqu’on arrête de réfléchir sur soi, on va se désintégrer. Mais c’est faux !
Q5
Quand faut il ne plus utiliser le mot sacré ?
R5
Saint Antoine disait: “La prière parfaite c’est de ne pas savoir que vous
priez”...alors, c’est l’Esprit qui prie en vous. La soumission du faux moi à Dieu est la mort
du faux moi. C’est la nouvelle naissance (selon Jean 3.3). Etre mû par l’Esprit est une
manière entièrement nouvelle d’être au monde.
Chapitre 9: L’inconscient se décharge.
Une
cinquième sorte de pensées surgit du fait que le dynamisme de purification
intérieure est mis en mouvement par la pratique régulière de la prière de contemplation.
C’est une sorte de psychothérapie divine, qui vide notre inconscient et nous libère des
obstacles au libre cours de la grâce en nous.
13
Bien des expériences émotionnelles traumatiques de l’enfance sont emmagasinées dans
notre corps et dans le système nerveux sous forme de tensions, d’anxiété et de
mécanismes de
défense. Le sommeil et le repos ordinaires ne nous en débarrassent pas. Mais dans le
silence intérieur et dans le repos profond que celui-ci apporte à tout l’organisme, les
blocs émotionnels commencent à fondre, et l’organisme (avec ses capacités naturelles)
commence à les évacuer.
Alors le bric-à-brac émotionnel dans notre inconscient émerge pendant la prière
sous forme de pensées, qui ont une certaine charge émotionnelle, une énergie, une
urgence. Nous ne savons pas d’où elles viennent, il y a juste un vague sentiment de
malaise. Il s’agit alors simplement de les laisser venir et les laisser repartir, plutôt que de
combattre contre elles; c’est le meilleur moyen d’en être libéré.
Dans la présence de l’amour divin, nos motivations troubles et cachées derrière nos
actions les plus nobles apparaissent au grand jour. C’est pourquoi la confiance en Dieu
est si importante sur ce chemin, pour que cette connaissance de soi ne nous jette pas
dans le désespoir, mais dans la miséricorde de Dieu.
Ainsi, le dynamisme intérieur de la prière de contemplation conduit à la transformation
de toute notre personnalité. Il implique un changement structurel de notre conscience.
Quand vous expérimentez l’affirmation de soi qui provient de la paix intérieure, vous
avez plus de courage pour faire face au côté sombre de votre personnalité et pour vous
accepter tels que vous êtes!
En psychanalyse, le patient revit des expériences traumatiques du passé, pour les
intégrer dans un modèle sain de vie. Si vous pratiquez journellement la prière de
contemplation, ces blessures psychiques vont guérir sans avoir besoin d’être revécues
(“retraumatisées”). Après quelques mois de pratique, vous allez expérimenter
l’émergence de pensées chargées de force et d’émotions. Elles ne révèlent normalement
pas quelque chose de traumatique de l’enfance ou quelque problème non résolu de la vie
présente. Elles apparaissent seulement comme des pensées qui surgissent avec force et
qui vous jettent dans une humeur dépressive pour quelques heures ou quelques jours.
De telles pensées sont de grande valeur du point de vue de la croissance humaine, même
si vous vous sentez persécutés par elles durant tout le temps de prière.
Lorsque l’inconscient commence à se décharger sérieusement, beaucoup de gens ont
l’impression qu’ils sont en train de reculer, et que la prière contemplative est impossible
pour eux à cause des flots de distraction qui les envahissent dès qu’ils prient. Mais en
fait, il n’y a pas de distraction dans la prière contemplative, à moins que vous ne vouliez
vraiment être distrait, ou que vous vous leviez et quittiez la prière. Si votre prière était au
niveau mental (de la pensée), les pensées externes à votre réflexion seraient
effectivement des distractions; mais la prière contemplative n’est pas au niveau de la
pensée, elle est un consentement de votre volonté à la Présence de Dieu dans la foi pure.
Les pensées émotionnelles chargées: c’est le chemin par lequel notre inconscient expulse
les gros morceaux du bric-à-brac émotionnel. Ainsi sont résolus, sans le savoir, de
grands conflits cachés de l’inconscient (intrapsychiques), qui affectent nos décisions plus
que nous ne le pensons. Après un certain temps, vous sentez un plus grand bien-être et
une impression de liberté intérieure (Les pensées, dont vous vous lamentez pendant la
prière, libèrent votre psychisme des dégâts accumulés dans votre système nerveux
durant votre parcours de vie).
14
Si donc, suite à une prière contemplative, vous ne vous sentez pas très bien à cause de
toutes ces pensées, ne vous inquiétez pas; vous vous êtes mis à disposition de Dieu lui
demandant de prendre en main votre purification. Acquiescez au fait qu’il en fut ainsi
pour vous aujourd’hui. Moins vous vous agitez et vous égosillez, plus rapidement le
travail sera fait. Demain ou dans quelques jours, ça ira mieux.
Accepter ce qui descend le courant de la conscience est une part essentielle de la
discipline. Cultivez une attitude neutre envers le contenu psychique de votre prière; ne
vous inquiétez pas si vous avez des pensées. Offrez votre impuissance à Dieu et attendez
paisiblement en sa présence. Toute pensée finit par passer, si vous attendez assez
longtemps.
Questions - réponses
Q1
Que signifie plonger dans l’émotion dérangeante sans vous accrocher à elle
?
R1
Une manière de faire, avec la peur ou l’anxiété qui surgit quand l’inconscient se
décharge, consiste à demeurer dans l’émotion pénible pendant une ou deux minutes, et
de permettre à la douleur elle-même d’être votre “mot de prière”. Les émotions pénibles,
et même certaines douleurs physiques tendent à se désintégrer quand elles sont
pleinement acceptées. Ce peut être un éclat de rire soudain, ou des larmes, ou une colère
sans raison apparente. La prière contemplative arrive ainsi à finir toute chose non
achevée dans notre vie, en permettant aux émotions de s’exprimer sous forme d’humeur
ou de pensées embrouillées
.
C’est la dynamique de la purification. L’intensité des sentiments de peur, d’anxiété ou de
colère peut ne rien avoir à faire avec votre expérience récente. Rester assis au milieu du
fatras est plus utile que des expériences de consolation. Le but de la prière contemplative
n’est pas d’expérimenter la paix, mais d’évacuer les obstacles inconscients à l’union
constante avec Dieu. Le but de cette pratique n’est pas la
prière contemplative, mais
l’
état contemplatif; non pas les expériences (même extatiques, ou affirmantes de soi),
mais la conscience (awareness) constante de Dieu qui vient à travers la restructuration
mystérieuse de la conscience (consciousness). Le fruit d’une pratique régulière de la
prière de contemplation, c’est la restructuration de la conscience; voilà pourquoi cela n’a
aucun sens de rechercher des expériences particulières.
En fait, aucun émotion n’est réellement pénible; c’est seulement le faux moi qui
l’interprète ainsi. Les ondes émotionnelles se dissolvent graduellement quand on les
accepte: D’abord, reconnaissez-les, identifiez-les. Puisque Dieu est le fond de toute
chose, chaque émotion est Dieu en quelque sorte. Si vous pouvez embrasser l’émotion
pénible vous vous unissez à Dieu, puisque, tout ce qui a une réalité, a Dieu comme
fondement. Une manière de lâcher prise consiste à “plonger” dedans, à s’identifier avec
elle par amour pour Dieu.
En résumé (concernant cette cinquième sorte de pensée): La prière contemplative fait
partie d’une réalité plus grande qu’elle même, d’un processus d’intégration qui requiert
une ouverture à Dieu au niveau de l’inconscient. Cela implique parfois des temps de
15
paix, parfois des temps lourdement chargés d’émotions et de pensées. Les deux
expériences en font partie.
La
réponse aux cinq types de pensées qui descendent le courant de la conscience
consiste donc en ceci: N’y résistez pas,
ne vous y accrochez pas,
n’y réagissez pas émotionellement.
Q2
Il m’arrive d’avoir des larmes, sans être triste.
R2
Les larmes peuvent exprimer aussi bien la joie que la tristesse ou la libération
d’un faisceau d’émotions. Dans la prière, elles sont à recevoir comme un don. Mais il ne
faut pas en faire un plat. Traitez-les comme toute autre pensée; laissez-les s’en aller.
Retournez au mot sacré.
Les pensées, les humeurs ou sentiments de dépression qui peuvent durer plusieurs jours
sont des manières par lesquelles le psychisme évacue du matériel émotionnel non digéré
de tout un parcours de vie. C’est comme un vomissement après un grand dîner; c’est
désagréable, mais après, on se sent mieux.
Comme un bon thérapeute, Dieu ne va pas révéler des intuitions pénibles au patient
avant qu’il ne soit capable de le supporter. Quand l’humilité et la confiance augmente,
vous pouvez mieux reconnaître le côté sombre de votre personnalité. Peut-être même
allez vous toucher le centre de votre pauvreté humaine et de votre impuissance, et
pourtant vous vous en trouvez bien. Alors vous entrez dans la liberté de l’action créative
de Dieu, car il n’y a plus d’attitude égoïste ou possessive par rapport à votre personne ou
vos talents. Vous êtes complètement à la disposition de Dieu. Le but de cette prière, c’est
la liberté intérieure, liberté pour être transformé en Christ.
Q3
Il semble que la prière de contemplation est guérissante.
R3
Oui. Jean de la Croix enseigne que le silence intérieur est le lieu où l’Esprit oint
secrètement l’âme et la guérit de ses blessures profondes.
Q4
Et qu’en est-il de l’écharde de Saint Paul ?
R4
La prière contemplative n’établit pas les gens dans la gloire, mais elle aide à porter
les infirmités, comme celle de Paul.
.(La méthode de la prière centrée n’est qu’une entrée dans la prière contemplative.
Quand on croît dans l’expérience de cette dernière il devient plus difficile d’en parler, car
cela n’entre pas dans les expériences ordinaires de la vie psychique. Le début de toute
chose est frappante, mais quand vous y êtes habitués, cela devient partie de vousmêmes,
vous commencez à penser que ça va de soi. Cela ne soulève plus la poussière
émotionnelle comme au début. Certaines personnes qui pratiquent la prière
contemplative ne peuvent rien en dire, sinon que ce qu’ils expérimentent est réel).
Ce type d’infirmité (de Saint Paul) est un merveilleux moyen de Dieu de cacher leur
expérience à eux-mêmes et aux autres. Dieu aime à cacher la sainteté de ses amis,
particulièrement à leurs propres yeux.
Au fur et à mesure que l’inconscient se vide, le fruit d’une nature intégrée et d’un flot
libre de grâce va se manifester dans un changement d’attitude. La réalité tend à devenir
16
plus transparente à nos yeux et sa Source divine va luire à travers elle...La conscience
d’être uni à Dieu devient continuelle, car il n’y a plus d’obstacle dans la vie consciente et
inconsciente qui interfère avec elle. La lumière de la présence de Dieu illumine notre
esprit tout le temps , même lorsqu’on est immergé dans l’activité. au lieu d’être envahi
par les choses externes, le vrai soi uni à Dieu va les dominer.
Peut-être que le premier pas dans le développement de la prière contemplative, c’est la
conscience de notre indépendance du monde psychologique ordinaire. Nous sommes
plus que notre corps, plus que nos pensées et nos émotions; nous ne sommes plus
identifiés aux choses à penser; nous prenons conscience de notre nature spirituelle.
Notre esprit est la demeure de la Trinité.
Mais cette expérience de l’indépendance du reste de la réalité n’est pas une
indépendance absolue! C’est seulement l’affirmation de notre vrai moi. Une nouvelle
prise de conscience advient alors: Quand notre inconscient se vide, alors, prendre
conscience du niveau profond en nous, c’est aussi prendre conscience du niveau profond
chez tous les autres.C’est la base du commandement de s’aimer les uns les autres comme
soi-même. S’aimer vraiment soi-même, c’est devenir conscient que votre vrai moi, c’est
le Christ s’exprimant en vous et que n’importe qui d’autre jouit de cette même
potentialité.
Ainsi toute chose commence à refléter non seulement sa propre beauté, mais aussi la
beauté de sa Source. On devient uni à n’importe quoi d’autre, en quoi Dieu demeure.
Cette perception de la pensée de Christ en toute autre personne nous rend capable de
charité vraie et spontanée: au lieu de voir en l’autre seulement sa personnalité (et sa
race, nationalité, sexe, statut,....) qu’on peut aimer ou non, on voit en lui ce qui est le plus
profond, l’union avec le Christ. On voit aussi le besoin désespéré d’aide chez chacun. Le
potentiel transcendant des gens est encore en attente de se réaliser; et cela éveille en
nous un grand sens de compassion. Cet amour centré sur le Christ conduit à des
relations basées non sur la dépendance, mais sur le Christ. Elles sont plus libres, parce
qu’on n’y cherche plus des buts centrés sur notre ego.
Q5
Le but de cette prière est-il de nous garder dans un état de communion avec
Dieu
à travers tout le jour ?
R5
Oui. Mais au début on en n’est pas conscient. On peut aussi être en communion
avec Dieu sans aucune forme d’expérience qui touche les sens. L’extase physique est une
faiblesse du corps. Quand les sens ne sont pas prêts à endurer l’intensité des
communications de Dieu
, ils se dérobent, et on est ravi hors du corps. Mais les
mystiques les plus mûrs ont rarement des extases corporelles. Ils ont intégré les
communications divines et leur nature physique. Vivre la vie divine devient alors
comme vivre une vie humaine ordinaire. Le triomphe de la grâce rend capable de vivre
divinement la vie ordinaire. Et rien semble n’avoir changé, sauf que l’ordinaire est
complètement transformé. La prière continue est présente lorsque la motivation de
toutes nos actions vient de l’Esprit. Il y a une différence entre
être et faire; une fois que
notre être est transformé en Christ, tout ce que l’on fait est oint par la transformation
intérieure de notre propre être (cp. l’attrait de Mère Teresa: elle fascine, non pas parce
qu’elle cherche à attirer, mais parce qu’elle est ainsi).
17
Cette union transformante va nous rendre capable de
supporter de plus grandes
épreuves
. Elle n’est pas un ticket pour le bonheur en ce monde. Dieu peut nous
demander de quitter cet état de conscience de notre union avec Lui; l’union demeure
pourtant, mais elle est caché pour nous, au plan psychique. C’est une forme de
souffrance vicaire. Pour certains, cela peut signifier une vie de solitude, pour d’autres
une vie d’apostolat actif (qui les empêche de jouir des délices de l’union divine), pour
d’autres c’est une intense souffrance physique, mentale ou spirituelle. (cf. Thérèse de
Lisieux). Les plus grandes épreuves sur le chemin spirituel peuvent arriver après l’union
transformante. Elles n’entravent pas l’union, mais il se peut qu’on ne la perçoive plus,
tellement elle est transparente. C’est ce que Jésus-Christ a fait; il a renoncé au privilège
de son unique union avec le Père pour expérimenter notre faiblesse et pour faire sienne
nos souffrances.
Le Seigneur laboure nos vies afin de préparer le sol pour une multiplication par cent.
Pour cela il fait passer celui qui vit la prière contemplative à travers différentes épreuves.
Parfois Dieu nous laisse seul, sans aucune aide; il faut apprendre à vivre des situations
impossibles. Ceux qui peuvent vivre paisiblement des situations impossibles vont faire
beaucoup de progrès dans le chemin spirituel. Parfois il laboure dans une direction, puis
dans la direction opposée, puis en cercle. Ne croyez pas que quand les feuilles et les
fleurs apparaissent c’est la fin du voyage. Au contraire, il semble que notre expérience se
recycle, on a l’impression parfois d’être au point de départ, mais c’est une croissance en
spirale.
L’influx de la lumière divine dans notre âme est un “rayon de ténèbre” (selon Jean de la
Croix). Dans une pièce sombre, on voit la lumière grâce à la poussière qui s’éclaire. Mais
s’il n’y avait pas de poussière, la lumière traverserait la pièce sans qu’on puisse
l’observer. C’est un symbole du plein développement de la prière contemplative: elle est
alors si pure qu’elle est imperceptible à celui qui la reçoit. Elle se manifeste pourtant
dans la transformation progressive de la personne. Une telle personne manifeste Dieu,
plus que tout sacrement.
Chapitre 10: Résumé des cinq types de pensées
1. Le vagabondage de l’imagination.
Ce sont les
pensées superficielles qui surgissent naturellement, comme le flot des bruits
de la rue qui pénètrent par la fenêtre.
Il faut leur donner aussi peu d’attention que possible.
2. Les pensées qui comportent un attrait émotionnel.
Elles surviennent quand on est intéressé par “quelque chose qui se passe dans la rue”.
Elles réclament notre attention,
attirent notre curiosité et suscitent une réaction.
Il faut alors retourner doucement au mot sacré.
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3. Perceptions soudaines et intuitions profondes
Elles surgissent de la paix intérieure profonde; par exemple une
intuition brillante, ou
une merveilleuse percée théologique ou psychologique.
Il faut une bonne dose de renoncement à soi pour quitter ce à quoi on est le pus attaché
(nos sentiments et pensées profondes; et à la source d’où elles viennent, le faux moi).
Mais ce renoncement peut être délicieux; il n’a pas besoin d’être douloureux pour être
efficace.
4. La réflexion sur soi
C’est le désir de
réfléchir sur ce qui se passe, sur le bonheur qu’on éprouve.
Si vous renoncez à ce désir, vous pénétrez dans un silence intérieur plus profond; mais si
vous y donnez suite, vous sortez du silence...et il faut recommencer !
La présence de Dieu est comme l’air qu’on respire. Vous pouvez en avoir tant que vous
voulez, pourvu que vous ne cherchiez pas à le posséder, à vous y accrocher et le garder en
vous.
5. La purification intérieure
Toute forme de méditation ou de prière qui transcende la pensée engendre une
dynamique de purification intérieure; c’est l’école psychothérapeutique de Dieu. Elle
permet à l’organisme de se libérer des tensions profondément enracinées, sous formes
de
pensées chargées émotionellement (colère, peur, tristesse), sans relation avec le
présent.
Lorsque vous réalisez le fait que ces pensées non seulement sont inévitables, mais font
partie intégrale du processus de guérison, du processus de croissance initié par Dieu en
vous, vous pouvez les accueillir positivement. Au lieu de les voir comme un obstacle ou
une distraction pénible, vous les voyez dans une perspective globale qui inclut le silence
intérieur et ces pensées-là. Bien que désagréables, elles sont aussi précieuses que les
délicieux moments de profonde tranquillité, dans la perspective de la guérison -
purification .
Résumé fait par Jean-Claude Schwab 6 mai 1996
source